Découvrez ci-dessous l'entretien intégral de Brian Solis pour Forbes à l'occasion de la publication du rapport de recherche « Influence 2.0 : le Futur du Marketing d’Influence », et introduit par Brian lui-même :
Avant les médias sociaux, le marketing digital, et l’expérience client digitale (DCX) et la transformation digitale, j'ai passé la fin des années 90 et le début des années 2000 à étudier et à expérimenter avec l'influence en ligne. En Février 99, j'ai ouvert un cabinet d’études afin de tester et d’apprendre qui m’a permis de contribuer avec tant d’autres à façonner l'avenir du marketing digital et de l'engagement client. Peu de temps après avoir rejoint Altimeter en 2012, j'ai disséminé l’ensemble de mes recherches et en ai publié les conclusions dans le rapport « The Rise of Digital Influence ». Ce rapport est je crois toujours considéré comme un standard pour comprendre comment des personnes influencent les impressions et actions d’autrui en ligne.
Cinq ans plus tard, j'ai ré-exploré le sujet avec l'intention de faire avancer une industrie qui, de bien des façons, s'est égarée. Traackr, mon ami Lee Odden de TopRank Marketing et moi-même nous sommes associés autour d’un projet de recherche et venons de publier une étude sur l'avenir de l'influence et des relations influenceurs, « Influence 2.0 : le Futur du Marketing d’Influence » ; disponible en téléchargement gratuit.
Dans le cadre de son lancement, j'ai été interviewé par Paul Armstrong pour Forbes. L'entrevue a généré plus de contenu qu'il ne pouvait utiliser pour son article, mais les propos coupés au montage me paraissent trop importants pour ne pas être publiés.
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’entretien en espérant qu’il vous soit utile.
Q1. Relations Influenceurs : est-ce juste la nouvelle dénomination pour désigner les relations avec les blogueurs ? Quelle est la différence ? (J’aimerais savoir comment cela se traduit concrètement… car je ne vois pas vraiment comment cela se justifie… juste de nouveaux canaux et outils)
En vérité, chaque fois que le sujet du marketing d’influence est abordé, il s’agit de remettre au goût du jour une vieille façon de penser l'engagement. Le raisonnement avec Influence 2.0 est d’initier une avancée déterminante vers une nouvelle ère de l'engagement, davantage en lien avec l'expérience client ou celle de quiconque cherchant des informations ou des relations afin de prendre des décisions. Une autre grande différence tient au fait qu’auparavant les marketeurs ne faisaient que reproduire ce qu’ils avaient toujours fait : identifier quiconque ayant une influence potentielle (analystes, reporters ou blogueurs par exemple) pour leur présenter leurs messages et nouveautés dans l’espoir qu’ils parlent de leur marque ou produit.
Il s'agit en réalité d'une approche de type « payer et arroser » qui s’est non seulement révélée inefficace mais a également établi de mauvaises relations entre les marques et ceux qui ont de l’influence ou font autorité. Cette approche est devenue cliché et l’exemple à ne surtout pas suivre pour construire des relations. Pire encore, elle n’a généré aucun lien entre entreprises, clients et influenceurs qui permette de créer un écosystème florissant et productif. Le dernier point très important est que la plupart des marketeurs n'ont aucune compréhension du parcours client et de qui sont leurs clients en termes de groupes et personas. Ils ne savent pas non plus comment ceux-ci prennent leurs décisions, qui influence leurs décisions à chaque étape du parcours, et qui ils influencent à leur tour. Il s’agit des fondations de l’Influence 2.0 : le marketing devient partie intégrante de l’expérience client et aide à relier les points entre les influenceurs, la cible client, l’information et les relations requises pour faire avancer le consommateur à chaque moment de vérité le long du parcours. Cela construit des relations fondées sur l'utilité, la productivité, et qui engendrent en même temps la réciprocité.
Q2. Environ un tiers des marketeurs ont une très mauvaise opinion des relations influenceurs - qu’elle en est la cause et pourquoi ?
Pour être honnête, je suis surpris que ce taux ne soit pas plus élevé. La vérité est que les marketeurs ne savent pas ce qu'ils ne savent pas. Ils ne peuvent percevoir la valeur des relations influenceurs s’ils ne comprennent pas ce que l'influence signifie vraiment sur leur activité, et au niveau de l’impact et de la nature des relations qu’entretiennent les personnes d’influence avec leur communauté. Lorsque nous pensons le marketing d'influence de façon traditionnelle, nous pensons en termes d’anciennes méthodologies et perspectives que nous appliquons aux nouvelles plateformes technologiques. Cependant, nous ne faisons ici rien de nouveau et de fait nous ne pouvons attendre quoi que ce soit de nouveau. Le but de ce rapport et du concept Influence 2.0 est de faire progresser les marketeurs, et d'introduire une approche puissante pour ceux qui travaillent dans l'expérience client afin de mettre en place des programmes qui prennent en compte ceux qui animent les communautés où les marques ont besoin d'engagement et de visibilité, et où les consommateurs recherchent des idées et des interactions. L’objectif est de construire un parcours client productif pour tous. Il est impossible de donner une valeur à quelque chose quand vous ne savez ni ce que vous pouvez accomplir ni comment le mesurer. Le marketing d’influence n'a pas été stratégique jusqu'à présent. Il n’a été question que de nombre de followers, de vues et d’autres métriques qui n’apportent que peu de valeur. Il est temps que cela change.
Q3. Pourquoi les budgets sont-ils si bas ? S'agit-il d'un signe de maturité ou d’un manque de mesurabilité du ROI des activités ?
Les deux. Le marketing d’influence est immature dans le sens où il n'a pas essayé d'élargir son horizon au-delà des tactiques marketing et méthodes de mesure traditionnelles, et cela parce que les marketeurs ont manqué de vision et d'ambition. Ce n'est néanmoins pas leur faute. C’est simplement parce que la plupart des activités marketing sont basées sur des principes obsolètes et qu’il est difficile de briser les normes, alors même que les marketeurs sont aujourd’hui rémunérés pour suivre ces mêmes principes obsolètes. Les budgets reflètent la valeur que les marketeurs apportent à l’entreprise, et tant qu’ils ne penseront pas comme des directeurs ou responsables commerciaux, le marketing ne restera… que du marketing. Néanmoins, ce que nous présentons aujourd'hui est un modèle grâce auquel il est possible de réinventer le marketing au sein de l’économie digitale, et nous recherchons des marketeurs audacieux pour faire avancer les choses et poser les bases de ce modèle. Lorsque vous liez le marketing à l'expérience client, vous commencez à faire du marketing un outil commercial. Et cela change tout.
Q4. Le rapport me donne le sentiment que les marques et les entreprises souhaitent toujours payer pour crier leur message sur tous les toits plutôt que pour converser ? Seriez-vous d'accord pour dire que les marques feraient mieux d’investir dans une technologie et des équipes pour communiquer avec plus d'individus ?
« Payer pour crier un message » est le problème qui a longtemps gangrené le marketing, et ce depuis son apparition. Certains diront même que cela est enregistré dans notre ADN et est la base du marketing. Plus vous criez fort, et plus vous êtes efficace. Avec les médias traditionnels des générations précédentes (qu’il s’agisse de la télévision, la presse papier ou la radio) et maintenant les médias en ligne, plus vous payez et criez fort, plus cela est censé fonctionner. Tout le défi est là car les consommateurs ne prêtent pas attention à ce genre de message, sauf en de rares occasions. Les gens sont désormais connectés, informés et ont du pouvoir grâce aux médias sociaux, et chacun à sa manière a développé une forme d’autorité et d'exigence. Crier son message ne fonctionne pas. L'engagement, les principes de base de la relation et la compréhension du parcours client changeront ces dynamiques pour toujours, au moins pour ceux qui veulent que le marketing compte à nouveau.
Q5. La notion de "Return on Relationship" semble incroyablement ... grossière quand on parle de personnes et d'influence. Comment les marques peuvent-elles obtenir ce résultat tout en paraissant authentiques ?
Une des premières choses que devrait faire tout professionnel de l’expérience client (CX) digne de ce nom est de comprendre le parcours client, pas seulement ce qu’il est mais également comment il s'applique à des types de comportement consommateur en constante évolution. En effectuant ce travail, vous identifierez les points de contact qui vous manquent et qui touchent l’ensemble des canaux et “moments de vérité”. Vous découvrirez aussi les questions que les gens posent, pourquoi il agissent en ligne comme ils le font, le chemin qu’ils parcourent et qui ils suivent. Ainsi, vous apprendrez comment, quand, où et pourquoi ils prennent leurs décisions. Cet aspect incroyablement négligé de l'engagement est étroitement lié à ce que les gens ont besoin d'entendre pour passer à l’action ; il s’agit là d’un fait. La plupart du temps, les gens cherchent simplement des informations et renseignements pour valider leurs options ou en découvrir de nouvelles. C’est dans ces moments que l'influence se produit. Tous les jours. Et nous les manquons. Notre travail est de relier ces points et de participer à une communauté qui est continuellement active.
Mesurer le « Return on Relationships » est donc une idée originale. Lorsque vous reliez les points entre les attentes clients, la gestion des ressources, les influenceurs qui impactent les décisions, et le contenu qui amène le lecteur dans la direction souhaitée, vous pouvez et devriez mettre en place des métriques mesurant vos résultats et les changements de comportement. Nous commençons à peine à percevoir ce que les métriques permettent de faire. La vérité, c’est que Influence 2.0 encourage les marketeurs à penser de manière plus tangible car nous pouvons maintenant monitorer le parcours client comme il n’a jamais été possible de le faire. Nous devons simplement penser différemment, et cela commence par abandonner la check-list complète utilisée par le marketing.
Q6. Je comprends que les gens veulent voir les choses évoluer mais dans le fond, ne continuons-nous pas simplement à donner de l'accès et de l’argent aux influenceurs ? Ces derniers n'essaient-ils pas juste de faire payer les marques pour parler à plus de personnes sur différentes plateformes ?
Ceci ne sera jamais Influence 2.0. Il s’agit et s’agira toujours de marketing d’influence. Le but de ce rapport et de toute la conversation est d’inviter les professionnels du marketing d’influence à ajouter de la valeur à leur travail et à leur entreprise. Ils doivent penser de façon plus holistique et aborder l'engagement et les relations avec les influenceurs, clients et autres parties prenantes, sur la base de principes de création de valeur réciproque et de respect, dans l’espoir de pérenniser cet engagement. Il ne s'agit pas de payer des gens avec des followers, même si cette pratique perdurera. Il s'agit d'un appel à une nouvelle ère du marketing, au-delà de l'influence, pour améliorer l’ensemble du parcours clients et des parties prenantes. Le coeur du sujet devient la conception et la gestion d’expériences plutôt que de payer des personnes pour qu’elles parlent de la marque ; ceci est un peu dépassé, ne pensez-vous pas ?
Q7. Le modèle circulaire et cross-fonctionnel semble suggérer des silos… est-ce vraiment comment l'influence fonctionne ? Quels sont les points négatifs d'un tel modèle ?
Toutes les entreprises ont des silos, ce n’est pas spécifique à l'influence. La conception de l’influence que nous proposons ici est un des déclencheurs permettant de relier les points en interne, afin de pouvoir les relier en externe. Un client, ou n’importe quelle personne que nous voulons atteindre, se moque de la façon dont l’entreprise fonctionne. Il pense simplement à ce qu'il veut faire, et c'est tout ce qui le motive. Donc, plus les entreprises fonctionnent en silos, plus les informations, points de contact et parcours sont déconnectés les uns des autres ; et ils le sont aujourd'hui. Cela devient un problème de plus en plus important pour les marques au quotidien. L’engagement cross-fonctionnel est donc l’avenir de l’expérience client, et il est un moyen de réimaginer la façon dont les parties prenantes en interne collaborent. Il permet de retirer les points de friction du parcours client connecté et de l’optimiser.
Q8. Le rapport ne parle pas beaucoup de la manière de travailler avec les influenceurs, de leurs motivations et attentes. Pourquoi, et comment pensez-vous que ceci s'inscrit dans vos découvertes ? Cela ne semble pas en accord avec certains enseignements du rapport...
Ce n'est pas un guide pratique. Il s'agit d'un appel à un nouvel état esprit et à une approche de l'expérience client où l'influence devient la force motrice du changement. Vous pouvez vous attendre à ce qu’il soit suivi d'un guide plus pratique sur la façon de donner naissance à Influence 2.0, avec des exemples concrets montrant comment les entreprises et agences le mettent en place et ce qu'elles apprennent en le faisant. Le seul obstacle ici est de savoir si les professionnels acceptent d’abandonner les tactiques traditionnelles du marketing d’influence pour innover et adopter ce nouveau concept, qui n’est pas simplement une théorie mais bien une série des principes qui fonctionnent déjà dans le domaine de l’expérience client. Lorsque vous assemblez tous ces éléments disparates et les rassemblez dans un modèle actionnable qui montre non seulement comment penser différemment, mais également comment adopter une approche plus holistique et cross-fonctionnelle, vous changez la façon dont tout se déroule. Ainsi, lorsque nous referons l’enquête l’année prochaine, vous verrez que les résultats auront changé.