Le dernier Trust Barometer publié par Edelman en 2017 fait état d’une véritable crise de la confiance : pour la première fois depuis la création de ce rapport annuel, la confiance de la population mondiale dans 4 institutions clés (entreprises, gouvernements, ONG, médias) a généralement décliné. Le rapport souligne une autre tendance qui découle logiquement de ce premier constat : plus un message semble émaner d’un média lié à une source institutionnelle, moins il est perçu comme crédible par la population. Les personnes auxquelles on peut s’identifier et les proches apparaissent ainsi comme les sources les plus crédibles, à égalité avec les experts techniques et académiques (60%).
Pour contrer les effets de cette “crise de confiance”, les marques se tournent de plus en plus vers les influenceurs afin d’essayer de toucher ce consommateur toujours plus méfiant et obtenir sa confiance.
Or, la confiance est comme une chaîne : pour bénéficier de la confiance de la communauté de l’influenceur, la marque doit d’abord gagner la confiance de celui-ci. Cela signifie que la confiance est également au coeur de l’engagement influenceur.
Pour en savoir plus, nous avons contacté Olivier Cimelière, Président du cabinet de conseil Heuristik Communications, auteur du Blog du Communicant et bien sûr grand spécialiste de la communication d’entreprise et du digital. Nous avons échangé avec lui autour du sujet de la confiance et de ce qu’elle implique pour le marketeur au moment d’engager avec les influenceurs et d'établir une relation avec eux.
« Aujourd’hui, une marque peut se faire méchamment écorner sur Facebook par un quidam mécontent et subir un bad buzz dans la foulée. Une entreprise peut se faire noter sur une plateforme collaborative comme Glassdoor par ses employés et ex-employés de moins de 3 ans. Un dirigeant peut pareillement se faire interpeller vivement par le citoyen moyen sur Twitter. Or, toutes ces conversations viennent maintenant alimenter la réputation. En plus du discours corporate ou marketing, il y a aussi ceux que tiennent vos publics à votre égard. On estime qu’environ deux tiers de la réputation d’une marque, d’une entreprise, etc est constituée de ce que les autres disent et écrivent sur elle sur le Web¹, parmi lesquels il y a ces fameux influenceurs ».
« Dans un contexte sociétal méfiant où les discours dominants sont souvent suspects, l’influenceur est devenu un acteur très prisé. Une étude publiée en 2014 par des chercheurs de l’université de Géorgie aux USA est même venue accréditer l’avènement de l’influenceur sur un terrain jusqu’alors largement dominé par les médias classiques. Pour cela, ils ont passé au crible les informations diffusées par le Département d’Etat américain comportant le hashtag #SecClinton entre 2011 et 2012. L’objectif consistait à déterminer quels acteurs étaient les vecteurs les plus efficaces en termes de reprise, d’interaction et de dissémination de l’information. Un des surprenants enseignements-clés montre alors que l’engagement des médias est bas, ceux-ci se contentant de reprendre l’information là où des associations et même des individus actifs sur les réseaux sociaux les relaient et les commentent plus ou moins. L’influenceur est donc bien une réalité avec laquelle il faut désormais compter »
« Sur le Web social comme dans la vraie vie, il y a influenceur et influenceur. Si des logiciels adaptés vous permettent d’opérer un premier niveau de tri efficace, il faut ensuite faire intervenir l’intelligence humaine pour comprendre qui est vraiment un influenceur avec une vraie communauté, et qui ne l’est pas, en dépit des chiffres astronomiques de fans et d’abonnés qu’il affiche, souvent avec des techniques « borderline » mais qui ne génèrent aucune influence authentique. Attention aux illusions d’optique ! Pour une marque ou une organisation, tout l’enjeu de l’influence digitale repose par conséquent dans sa capacité à aller au-delà des indicateurs chiffrés mais aussi à trier finement ce qui relève d’une pertinence avérée et ce qui est de l’ordre de l’agitation apocryphe. »
« L’intégration des influenceurs passe impérativement par l’étape amont de la cartographie. Celle-ci est encore trop fréquemment zappée. Pourtant, elle est une indispensable boussole pour jeter les premiers fondements des relations avec des influenceurs de son secteur d’activité. C’est le qualitatif qui doit l’emporter au final dans la sélection d’un panel. Ensuite, l’influence ne se décrète pas, elle se travaille. Il convient de suivre et s’imprégner régulièrement des publications des influenceurs ciblés. Formulée ainsi, cette phrase peut passer pour une lapalissade. Trop de marques et d’organisations pêchent encore dans leur connaissance des influenceurs clés qui gravitent dans leur écosystème. Disposer d’une fiche récapitulative sur le degré d’influence d’un blog ou d’un compte social est une chose. Etre familier des sujets traités par ce même blog ou compte en est une autre. Or, la plupart du temps, l’influenceur est aussitôt catalogué dans un fichier et commence alors à être bombardé de sollicitations en tout genre et régulièrement à côté de la plaque. Si une marque ou une organisation souhaite avoir elle-même une influence auprès de ses influenceurs, il est fondamental qu’elle sache d’abord qui ils sont et quels sont leurs thèmes de prédilections. »
« C’est un excellent point que vous soulevez. Aux yeux du public, l’influenceur jouit encore d’une certaine « virginité » du fait qu’il est perçu comme libre donc authentique et loin des collusions qu’on prête aux médias à tort ou à raison. En réalité, nombre d’influenceurs n’ont rien à envier à certains journalistes multicartes capables de faire des ménages sans souci d’éthique éditoriale. Certains secteurs sont même infestés d’influenceurs à l’affût de voyages, de cadeaux, de rémunérations, etc. Le problème n’est pas tant qu’il puisse y avoir un échange transactionnel sous quelque forme que ce soit. Le problème est que certains influenceurs n’annoncent pas clairement la couleur en expliquant que tel post est sponsorisé ou tel contenu fourni de but en blanc par une marque. Le fait d’être payé pour promouvoir un produit n’est pas choquant en soi mais il faut être transparent envers sa communauté. Sinon cela peut induire une duplicité gênante qui à terme, ne bénéficiera à personne. Ni aux marques, ni aux influenceurs eux-mêmes. Il ne faut pas se leurrer. Les consommateurs ne seront pas dupes longtemps. Autant être cohérent d’emblée sinon la confiance risque d’être affectée. »
La confiance est un enjeu majeur pour la marque, et a fortiori pour les équipes de corporate communications, car il est primordial pour elles de s’associer à des influenceurs pertinents et dont la voix est en accord avec les valeurs et messages de l’entreprise. Une association authentique ne se décrète pas, elle se construit, et cela démarre par la création d’un sentiment de confiance mutuelle, véritable pré-requis à l’instauration d’une relation de long terme et fondée sur la réciprocité.
Votre prise de contact avec l’influenceur pose les fondements de votre relation. Si elle n’est pas correctement effectuée, vous pouvez être sûr que votre tentative d’engagement restera lettre morte. Pire, elle pourrait même vous être préjudiciable dans l’avenir si votre maladresse venait à braquer l’influenceur (à juste titre), lequel pourrait même partager sa mauvaise expérience avec vous auprès de ses pairs. Au contraire, un bon engagement peut être la porte d’entrée vers une relation de confiance, authentique et à long terme, ce qui est la clé de voûte pour un marketing d’influence véritablement efficace.
Pour éviter les faux-pas et adopter une approche efficace de l’engagement influenceur, téléchargez notre Guide du Marketeur pour Maîtriser l’Engagement Influenceur.
¹ Source : La Communication Corporate, 2ème édition, Thierry Libaert & Karine Johannes (2016)