Ayant personnellement toujours lutté contre mes frisottis, j'ai été intriguée par amika, la marque de soins capillaires professionnels basée à Brooklyn qui s'est fait un nom sur le principe peu commun que la beauté n'a pas à être lisse et parfaite. Lorsque Chelsea Riggs, présidente de la marque, était sur la côte ouest pour le Brand Marketing Summit, j'étais ravie d'en apprendre plus sur la façon dont amika a créé sa marque et se connecte aux consommateurs dans un marché très concurrentiel.
Comment la marque amika est-elle née et quelle est l'histoire derrière votre devise #hairrebellion (rébellion capillaire) ?
Jusqu'à la fin des années 90, avant que Sephora ne bouleverse l'industrie de la beauté, les femmes achetaient souvent leurs produits dans les grands magasins. Toute l'expérience était centrée sur la marque en tant qu’ « experte », et la cliente ne s'estimait pas aussi bien informée. Les marques typiquement dictaient une version perfectionniste de la beauté. Au lieu de proposer une perfection inaccessible, amika croit en une vision idiosyncrasique et individuelle de la beauté. Nous avons pour mission d'inspirer un mode de vie d'expression et de rébellion capillaire, allant à l’encontre de la conformité et du banal, et ce peu importe votre type de cheveux. Si de nombreuses marques professionnelles de soins capillaires ont été créées par des coiffeurs célèbres, amika a été fondée par des outsiders. Notre objectif était de créer un produit dont l’aura serait celle d'un bon ami : direct, fiable, amusant et jamais prétentieux. C'est d'ailleurs comme ça que le nom amika, qui se traduit par « ami », est né.
Aujourd'hui, les produits amika sont disponibles dans plus de 10 000 salons à travers les États-Unis et auprès de grands détaillants comme Sephora, Birchbox - sans oublier loveamika.com qui connaît la croissance la plus rapide.
Ces dix dernières années, vous étiez aux premières loges de l’ascension du marketing d'influence et êtes aujourd'hui l'une des marques de beauté indépendantes les plus performantes. En quoi votre approche du marketing d'influence diffère-t-elle de celle des autres marques de produits de consommation et de beauté ?
L'industrie de la beauté a connu une révolution avec le développement de plateformes de médias sociaux comme YouTube. Si certains disent que l’industrie de la beauté a ouvert la voie au marketing d’influence grâce à son caractère visuel et facile à communiquer, je crois personnellement que l'un des principaux facteurs expliquant son essor est la démystification de la beauté par des femmes et des hommes comme vous et moi. Ces influenceurs ont changé les règles du jeu et font de la beauté quelque chose d’accessible et ludique.
amika a travaillé avec des influenceurs bien avant qu'ils soient désignés comme tels. De nombreuses marques considéraient alors l'influence comme une phase temporaire, ou un gâchis d'argent qui ne résulterait en aucune vente. Même avec des budgets limités au début, nous avons réalisé la puissance et l'évolutivité du marketing d'influence. Nous avons donc investi majoritairement dans ces partenariats. Notre approche diffère car nous considérons les influenceurs comme des ambassadeurs de la marque, et non pas comme de l’achat média.
Même pour nos campagnes rémunérées, nous collaborons sur le contenu et laissons aux influenceurs la liberté créative (bien sûr avec certaines limites). L'authenticité est impérative dans tous nos partenariats. Nous sommes constamment à la recherche
d'influenceurs pertinents avec lesquels collaborer. Ils doivent incarner lestaleurs des clients amika, indépendamment de leur ethnie ou de leur genre. Nous intégrons également leur contenu à notre distribution. Par exemple, nous nous tournons vers les influenceurs pour créer des vidéos pratiques sur nos pages produits Sephora, au lieu de les produire nous-mêmes, afin de proposer des démonstrations authentiques.
Beaucoup de marketeurs considèrent toujours les influenceurs comme une pratique marketing en silo, ou comme un substitut potentiel au budget publicitaire. Je vois des entreprises qui refusent de « payer » pour un placement influenceur car elles n’en perçoivent pas la valeur ajoutée. Je vois aussi le marketing d’influence mal géré, ou de façon non authentique (le mot à la mode ces dix dernières années). Ils l’appréhendent comme une tactique incontournable comme les médias sociaux par exemple mais je pense qu’il vaut mieux s’abstenir plutôt que de ne pas le faire correctement.
Vous êtes passé d’un programme de quelques vloggers à plus de 1 000 influenceurs. Quels ont été les plus grands défis à surmonter ?
Notre plus gros challenge a été de réadapter l'état d'esprit en matière de fonctionnement de notre équipe. Nous avons su très tôt que nous souhaitions consacrer notre budget aux influenceurs, mais il a fallu au préalable changer la façon dont
notre équipe pensait. Il a par exemple fallu que notre équipe de relations publiques pense au-delà des communiqués de presse, des diffusions, des lancements médiatiques et des argumentaires, et voient les éditeurs comme des influenceurs, et les influenceurs comme des éditeurs. Notre équipe de médias sociaux est passée de la création exclusive de notre contenu à la collaboration avec les influenceurs pour 75 % de notre contenu. Notre plan marketing est passé de lancements ciblant nos clients en premier à des lancements sur les médias sociaux en premier. Au fil du temps, nous sommes passés de campagnes ponctuelles à une pratique intégrée de l'influence.
Quels types de décisions en termes organisationnels et de talents avez-vous dû prendre pour assurer cette transition ?
Nous avons restructuré notre équipe marketing, passant des silos traditionnels à l'intégration de l'influence dans tous les rôles. En tant que marque professionnelle, nous travaillons avec de nombreux coiffeurs stylistes célèbres et « Insta-célébrités », en plus des consommateurs influenceurs. Notre équipe RP se concentre non seulement sur la presse spécialisée et généraliste, mais également sur les stylistes professionnels, eux-mêmes influenceurs et souvent visibles dans la presse. Notre équipe dédiée aux médias sociaux est intégrée pour collaborer sur le contenu, le community management et les influenceurs, et chacun des membres de l'équipe est focalisé sur un type spécifique : micro influenceurs, non rémunérés, rémunérés, ambassadeurs de la marque...
Cette collaboration transversale a-t-elle été difficile à mettre en place ? Quel conseil donneriez-vous à celles et ceux qui essaient d'intégrer le marketing d'influence à travers leurs stratégies de marque ?
Etablir une collaboration transversale au sein de notre équipe fut difficile au début, mais les résultats en valaient la peine. Mon conseil à tous ceux qui essaient d'intégrer le marketing d'influence dans leurs stratégies de marque : incorporez d'abord un niveau de responsabilité dans chaque direction de service. Chez amika, toute notre équipe y participe d'une façon ou d'une autre. Nous impliquons même notre équipe commerciale dans le processus décisionnel d'identification des influenceurs. Elle nous aide également à déterminer les produits à promouvoir auprès des influenceurs, et le type de contenu généré qui résonnera le mieux chez nos clients.
Aujourd'hui, tout le monde dans l'équipe marketing joue un rôle en matière d'influence alors qu’auparavant, seul le responsable des médias sociaux s'en occupait. De plus, nous avons recruté spécialement pour l'intégration du marketing d'influence. Ces nouveaux rôles sont principalement responsables de la communication quotidienne avec nos influenceurs déjà engagés et du “seeding” c.a.d. du placement des contenus, ce qui permet à nos experts en médias sociaux de se libérer du temps pour le concentrer aux macro-influenceurs, ou ceux engagés spécifiquement autour d’une campagne donnée.
En gérant le marketing d’influence en interne, comment maintenez-vous des relations authentiques avec autant de personnes ?
Entretenir des relations personnelles avec chacun de ces influenceurs a clairement été un défi. Cependant, nous étions fermement convaincus que le fait de garder le marketing d’influence en interne était la seule façon de rendre cela possible. Nous avons essayé de travailler avec des agences dans le passé pour l'exécution de campagnes spécifiques mais ce fut au détriment des résultats et de l'authenticité de ces campagnes.
Au début, nous avions embauché des jeunes spécialistes des médias sociaux, ce qui a entraîné un certain roulement de personnel. Ceci, plus le fait que nous consignions tout dans Excel, nous avons fini par perdre beaucoup de données. J'ai réalisé que si nous souhaitions vraiment placer l'influence au cœur de notre stratégie marketing, et pas simplement l'aborder comme une tactique, nous devions restructurer l'équipe et trouver un logiciel pour devenir plus efficaces.
Nous avons passé plus de six mois à rechercher et à tester chaque plate-forme existante. Nous avons conclu que Traackr correspondait exactement à nos besoins. Nous cherchions principalement qui nous permettait également d'agréger l’analyse de nos campagnes et d'accéder aux informations dont nous avions besoin pour évaluer correctement les influenceurs, comme les données démographiques de leur audience.
Comment votre approche en terme de rémunération des influenceurs a-t-elle évolué au cours des 10 dernières années ?
Vous vous souvenez lorsque Facebook était considéré comme du « marketing gratuit » ? Les influenceurs représentaient l'inconnu et étaient souvent prêts à poster en échange de produits. Tandis qu'ils gagnaient en popularité, nous avons remarqué que beaucoup demandaient une rémunération. Typiquement, nous nous associons avec un influenceur s'il postait sur nous au moins une fois et que cela générerait du trafic, des ventes ou de nouveaux abonnés.
Les macro-influenceurs nous semblaient intéressants à l'époque, nous pensions : « Wow, nous pouvons atteindre deux millions de personnes d’un coup ! ». Mais dans la plupart des
cas, cela n'a pas été efficace pour notre marque. Nous pouvions seulement nous permettre de le faire une fois, et cela semblait aléatoire. Lorsque Instagram a modifié son algorithme, nous avons commencé à nous concentrer davantage sur les micro-influenceurs qui créaient un contenu exceptionnel. Certaines personnes peuvent penser que les micro-influenceurs sont petits, et donc qu'ils sont gratuits mais nous ne le voyons pas comme ça. Ces influenceurs sont essentiellement styliste, photographe et directeur créatif à la fois. Ils doivent donc absolument être payés pour leurs créations. Si vous connaissez « Le Point de Bascule » de Malcolm Gladwell - un de mes livres de chevet - vous savez que prise collectivement, la portée des micro-influenceurs est plus profonde et plus large ; ils touchent plus de personnes que les macro-influenceurs.
Que prenez-vous en compte avant d’entrer dans une relation transactionnelle avec un influenceur ?
Comme pour toute campagne marketing, vous devez définir vos objectifs. Qu'espérez-vous accomplir grâce à ce partenariat ? À partir de là, je pose différentes questions : leur public correspond-t-il à ma cible démographique ? Sont-ils « alignés » avec ma marque ? Quel est leur taux d'engagement ? Leurs abonnés sont-ils très engagés ? Est-ce qu'ils commentent ou se contentent d'aimer leurs posts ? Comment leurs abonnés réagissent-ils aux messages sponsorisés par rapport aux autres ? Un message sponsorisé par ma marque correspondrait-il à leur ton ? Parlent-ils surtout de marques vendues en pharmacie, de produits haut de gamme, ou des deux ? Nous prenons en compte de nombreux facteurs avant d'envisager un partenariat rémunéré avec un influenceur.
Chez amika, vous avez arrêté d’utiliser l'indice EMV (pour « Earned Media Value , soit la valeur médiatique gagnée). Quelles métriques suivez-vous ?
Nous n'utilisons pas l'EMV comme métrique car chez amika, le coût équivalent média importe peu : . Chaque semaine, nous examinons les influenceurs activés par tiers, le nombre de mentions de chacun, notre part de voix totale et leurs taux de réponse. Pour certaines campagnes, nous examinons les impressions, l'engagement total, le CPM (coût par mille) et le CPE (coût par engagement).
Vous avez récemment étendu votre partenariat avec Sephora. Quel rôle ont joué les influenceurs dans ce lancement ?
Récemment, nous avons totalement revu le packaging de notre marque. Dans le même temps, nous avons étendu notre offre en soins capillaires dans les magasins Sephora avec des bouchons personnalisés. Notre stratégie de lancement a été menée en collaboration avec les influenceurs avec des objectifs à la fois en termes de sensibilisation et d'engagement, et en travaillant avec différents profils types pour chacun. Une partie de notre succès est due au fait que nous étions hyper-concentrés sur notre message et avons choisi de promouvoir un petit échantillon de produits. Nous avons sélectionné des influenceurs avec différents types de cheveux, différentes origines ethniques, et des types de
médias équilibrés avec des profils maîtrisant la vidéo et la photographie. Nous nous sommes associés à divers influenceurs dont le contenu était axé sur la beauté, le lifestyle, la maternité, mais aussi des experts en coiffure ; tous correspondant à l'esthétique de notre marque.
Pour les influenceurs, rémunérés ou non, nous utilisons pour donner la priorité aux influenceurs dont l’audience est composée d'au moins 50 % d'Américains, d'au moins 80 % de femmes et répartie entre nos âges cibles (18-25 et 25-34 ans). Nous sommes extrêmement sélectifs en ce qui concerne le taux d'engagement et nous avons passé en revue les commentaires sur les posts sponsorisés précédents pour savoir comment leur audience réagit à ce type de contenu.
Pour en savoir plus sur le marketing d'influence stratégique, consultez notre rapport qui met en avant les enseignements tirés de l'étude des marques les plus performantes, dont amika, auprès de 1 000 influenceurs.