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Stratégies d’influence : derrière les mythes, conseils et best practices

4/7/2018
Stratégies d’influence : derrière les mythes, conseils et best practices

Il y a quelques semaines, le marketing d’influence s’est de nouveau retrouvé sous le feu des projecteurs à l’occasion des Cannes Lions : derrière les saillies parfois provocatrices de certains professionnels se cache une conception erronée de la pratique, de ses dynamiques et de ce qu’elle peut générer comme résultats.

A l’occasion des Social Days Hootsuite, Nicolas Chabot, VP EMEA Traackr, et Yann Gourvennec de Visionary Marketing, ont déconstruit les mythes qui entourent et pénalisent le marketing d’influence, et ont partagé conseils et best practices pour des programmes efficaces.

Consultez les slides utilisées lors de la présentation ici, et retrouvez ci-dessous le contenu de la conversation dans son intégralité.

IDENTIFICATION

Mythe #1 : Influence = popularité

YG : Il existe une confusion commune entre popularité (nombre de followers) et influence. En fait, l’influence qu’est-ce que c’est ? (Larousse – §3)

“§3 Pouvoir social et politique de quelqu'un, d'un groupe, qui leur permet d'agir sur le cours des événements, des décisions prises, etc. : On a vu grandir son influence dans le monde des affaires”. (Larousse)

Ce n’est pas « mettre quelqu’un sous influence » (payer un blogueur ou acheter un commentaire) c’est avoir naturellement un impact. D’ailleurs, le Pr Nicholas D Evans — auteur de “Mastering Digital Business” et“Business Innovation & Disruptive Technology“ explique dans son classement Thinkers360 sur la transformation digitale englobe les différentes formes d’expression dans son classement :

“We take a holistic view of thought leaders and experts, beyond their social media activity, and look across all the hats they may wear – such as academic, author, influencer and speaker– and all the types of thought leadership content they produce.

Dans son classement il y a même des penseurs de la transformation digitale qui ont de très petites listes de fans sur les réseaux sociaux. N’en concluez pas qu’il s’agit de faussaires, ils n’en ont pas besoin, ce sont leurs lecteurs qui les citent. C’est ça le sommet de l’influence. En d’autres termes c’est ce leadership qui mène à l’influence sur les médias sociaux et non l’inverse. Du moins en B2B.

En B2C c’est une autre affaire, car là l’influence se fera plutôt sur le mimétisme (lifestyle, imitation, célébrité), ou sur la capacité à divertir, amuser, séduire (musique etc.). C’est toujours de l’influence, mais d’une manière bien différente, même si les mécanismes sont les mêmes.

NC : Il existe 3 principaux segments d’influenceurs : si vous ne considérez que les individus avec une très large audience, c’est-à-dire les célébrités, vous manquez les deux relais considérables d’influence que représentent le “magic middle” et les micro influenceurs :

‍Source : Le Guide du marketing d’influence

Il est donc important de regarder au-delà de la portée, et c’est là que les scores de Portée (Reach), de Résonance (Resonance) et de Pertinence (Relevance) entrent en jeu :

‍Source : Le Guide du marketing d’influence

Enfin, un influenceur doit parler à votre audience cible : le module Audience Insights de Traackr montre ainsi si l'audience d'un influenceur correspond à votre cible avec des données d'âge, genre, localisation, profession, statut marital, likes et centres d'intérêt et affinités avec les marques.

Module Audience Insights de Traackr

Mythe #2 : Les faux followers gangrènent le marketing d’influence

YG : Cela fait un peu partie des mythes classiques des médias sociaux, mais ce n’est pas complètement faux non plus. Voici, ci-dessous, un exemple pris de la réalité du terrain dans un domaine inattendu, le B2B. Des outils existent, mais il est aussi facile de se laisser avoir, surtout si la marque est complice, par facilité, d’un faussaire.

Ici, je me suis aperçu qu’il y avait un problème quand j’ai vu un grand saut dans le nombre de followers, mais il fallait encore le savoir et avoir la présence d’esprit d’aller vérifier. Il existe d’autres outils pour démasquer les faussaires mais il faut noter que les gogos et notamment les marques se laissent souvent prendre au jeu. Ce qui nous ramène au point précédent : ne pas se laisser hypnotiser par le nombre de followers et viser de préférence les micro influenceurs présentés par Nicolas.

NC : Il existe de nombreux moyens de détecter les faux followers.

Tout d’abord, méfiez-vous des ascensions rapides, qui ne sont pas la norme : seuls 5% des influenceurs triplent en effet leur audience sur un an.

‍Source : Marketing d’influence : les enseignements de la beauté

Un autre moyen de détecter les faux followers est de regarder le détail des données démographiques de l’audience d’un influenceur : par exemple, où est basée la majorité de l’audience d’un influenceur par rapport au pays/langue d’origine/actuel(lle) de l’influenceur ? Par exemple, si l’essentiel des followers d’un influenceur implanté aux États-Unis se trouve en Serbie, cela peut être le signe de faux followers.

‍Source : Marketing d’influence : les enseignements de la beauté

Un autre phénomène connexe : l’engagement factice, dont l’étendue est également quelque peu mythifiée. En effet, nous avons récemment menée une étude pour l'un de nos clients les plus importants qui montre que le niveau d’engagement factice est en réalité assez faible. L’achat de followers est très bon marché, mais pour l'engagement, cela peut très vite devenir onéreux, car il faut en acheter pour de nombreuses publications pour commencer à obtenir des effets. Pour repérer l’engagement factice, vous pouvez utiliser la suite analytique Traackr et personnaliser le suivi des influenceurs pour surveiller les fluctuations en matière d'engagement, par exemple pour vérifier le niveau d’engagement au fil du temps et détecter toute publication suspecte par rapport au niveau d'engagement habituellement constaté.

Pour aller plus loin, consultez notre blog : 6 façons dont Traackr peut vous aider à détecter les faux followers.

COLLABORER AVEC L’INFLUENCEUR

Mythe #3 : L’influence s’achète comme de la publicité

YG : Voilà en effet un mythe important et récurrent (qu’il faut quand-même que je nuance).

Commençons par le mythe.

1)   Il suffit de payer pour acheter l’influence d’un influenceur. Non : j’ai vu des marques se payer Norman - ou autres youtubers - pour des centaines de milliers d’euros et faire des dizaines de milliers de vues (en payant du média) là où le Youtuber en fait des millions. L’influence ne s’achète pas

2)   Il faut qu’il y ait une communauté de vue avec l’influenceur. Ex : quand je fais un billet pour mon client (transparence) eZ systems, je le fais aussi et surtout par conviction car j’ai été client de cette solution, je l’ai choisie, je suis en phase avec l’éditeur, j’adhère à sa philosophie. Si je n’adhère pas à sa philosophie je ne vais pas plus loin. Je n’écrirai pas de billet pour une marque qui fabriquerait un produit avec lequel je ne suis pas en phase. Si je suis influent et crédible, c’est aussi parce que j’ai des principes et que je m’y tiens,

3)   Il faut aussi que le sujet soit en rapport avec l’influenceur (pas la peine de me contacter pour la mode par exemple, mais sur le Big Data ou l’IT je suis dans mon élément (vice versa pour un blogueur « lifestyle »)

Et voici la nuance que j’aimerais apporter

Certains influenceurs exagèrent (j’ai vu des posts instagram monter à 28k$, 17k£ au UK) pour les gros instagrammers. Si j’étais encore client, je réfléchirais à deux fois

1) à l’efficacité d’une telle “campagne” (cf. le mythe n° 4)  vu l’énormité de la somme

2) car c’est donner de mauvaises habitudes à des gens qui deviennent des divas.

Il faut néanmoins nuancer cela car les influenceurs ne sont pas non plus des esclaves qui travaillent gratuitement pour des marques richissimes et il ne faut pas confondre influence et publicité gratuite. Ce serait tout aussi amoral.  Frédéric Cavazza a écrit un post sur ce sujet il y a environ 5-6 ans où il expliquait que son métier n’était pas d’être blogueur mais consultant. L’influenceur a aussi le droit de vivre et de monétiser. Mais un post instagram au prix de plusieurs livres blancs techniques, il ne faut pas exagérer !

NC : au-delà de “dois-je payer?”, “combien payer?”, etc., la vraie question est “pourquoi payer” ? “Pay for the craft, not the influence” est la règle numéro 1 : découvrez ici les 7 règles énoncées par Pierre-Loïc Assayag, CEO Traackr.

Mythe #4 : L’influence s’active à la demande

YG : Comme toujours dans le marketing du bouche à oreille, la discipline qui sous-tend les médias sociaux, il faut travailler dans la durée.  Les 5 valeurs du WOMM sont :

  • Authenticité
  • Respect
  • Sociabilité
  • Répétabilité
  • Mesurabilité

Les « campagnes », encore un mot militaire utilisé par les marketeurs peu scrupuleux. Il faut bannir ce mot qui fait penser qu’une succession de coups peut remplacer une démarche à long terme. C’est pour cela que les publicitaires ont tant de difficultés avec ce sujet et finissent par répéter leurs bonne vieilles recettes de la pub.

NC : autre point de vocabulaire qui contribue à alimenter ce mythe : on n’utilise pas les influenceurs, comme on l’entend malheureusement trop souvent, mais on collabore avec eux ! Pour reprendre Kant : « Traite toujours autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen »… Développer des relations continues sur le long terme génère de meilleurs résultats que des campagnes et collaborations ponctuelles, comme le montre le graphique ci-dessous qui compare les performances des campagnes « Tripin with Tarte » de Tarte Cosmetics (qui a mis en place des programmes d’influence continus et durables) et « Friends with Benefit » de Benefit Cosmetics :

‍Source : Marketing d’influence : les enseignements de la beauté

GOUVERNANCE / COLLABORATION DES EQUIPES

Mythe #5 : Le marketing d’influence n’est que l’affaire d’une équipe

YG : L’influence est à la fois l’affaire d’une équipe et d’implication personnelle. Voici mes conseils.

1)   L’influence en entreprise est une affaire d’équipe et de coordination et non de  copinage personnel d’un social media manager avec des blogueurs. Sinon c’est courir le risque de perdre la relation au niveau de la marque.

2)   Ceci étant, les relations personnelles avec les blogueurs/influenceurs sont indispensables (ce n’est pas ou/ou mais et/et)

3)   Pour aller au-delà du copinage il faut faire entrer ce travail dans un processus qui permette d’aller au-delà des personnes (avec un outil comme Traackr par exemple)

4)   Point de vigilance particulier : bannir la feuille XL avec les coordonnées des influenceurs et les 1000 invitations non coordonnées par 50 départements différents qui ne se parlent pas. L’outil doit servir à aligner les équipes et faire bénéficier l’ensemble de la compagnie des relations long terme construites avec des influenceurs.

NC : au sein d’une même entreprise, plusieurs départements engagent avec les influenceurs. La moitié des organisations déclare ainsi que 4 départements ou plus interagissent aujourd’hui avec des influenceurs, et 80% déclarent que 3 départements ou plus travaillent actuellement avec des influenceurs.

‍Source : Influence 2.0 : le futur du marketing d’influence

Pour être cohérent et véritablement performant, le marketing d’influence doit donc suivre un modèle cross-fonctionnel et s'étendre à plus d'un seul département.

‍Source : Influence 2.0 : le futur du marketing d’influence

Dans les entreprises les plus avancées, on observe également l’émergence de centres d’excellence, dont le rôle est de centraliser les stratégies et activités d’influence et de diffuser les best practices en interne.

‍Source : Un modèle pour déployer le marketing d'influence à grande échelle

Mythe #6 : Mon entreprise peut externaliser tout son marketing d’influence à une agence

YG : Je ne dirai pas de mal des agences vu que je suis passé du côté obscur de la force, mais il est important — je l’ai toujours écrit et je persiste même en étant passé de l’autre côté de la barrière — que le client doit s’impliquer personnellement. C’est vrai sur le contenu, c’est vrai sur le social media et enfin, c’est vrai sur l’influence aussi. L’implication personnelle des équipes et des personnes est une condition de réussite indispensable.

NC : Les agences sont des partenaires essentiels en phase d’expérimentation. Mais quand la marque souhaite développer des relations plus stratégiques, elles doivent construire la gestion de la relation influenceur en direct. Dans tous les cas le rôle des agences doit être clairement défini; elles ne peuvent pas -par exemple- mesurer elles-même le succès de leurs activités! C’est pourtant souvent le cas. Chez Monoprix, la technologie occupe un rôle central pour uniformiser les campagnes, suivre toutes les interactions avec les influenceurs pour éviter les faux-pas, et standardiser le suivi de la performance, comme expliqué dans cet article.

‍Source : Marketing d’influence : les enseignements de la beauté

MESURE DE LA PERFORMANCE

Mythe #7 : Les influenceurs ne sont bons que pour générer de la visibilité

YG : en B2C ils sont de plus en plus influents sur les achats. Sur le B2B ils renforcent la crédibilité et la perception de la compétence. Encore une fois, il s’agit une relation à long terme et non d’une campagne. En B2B, le blogging est véritablement apporteur de chiffre d’affaires (sur mon expérience, environ 20% directement, mais la quasi totalité du CA en ce qui me concerne est influencé par mon blog). J’ai vécu la même chose sur les blogs technologiques que j’ai mis en oeuvre pour des marques ces 10 dernières années, mais attention à ne pas lier le blog à la vente, ce serait très dangereux pour vous. En B2B, il suffit qu’un client important vienne féliciter votre patron sur son blog pour que la question du ROI trouve sa solution immédiate.

NC : les influenceurs peuvent impacter l’ensemble du parcours client et faire bien plus que simplement générer de la visibilité pour une marque/un produit. Chaque étape du parcours client représente une opportunité pour un influenceur d’intervenir avec un message pertinent et répondant aux besoins du consommateur à cet instant T.

‍Source : Influence 2.0 : le futur du marketing d’influence

Mythe #8 : ROI = EMV

YG : La mesure est un “work in progress” depuis au moins 6 ou 7 ans que je travaille dessus. Comme souvent en digital, on mesure tout, on tracke tout, on a des chiffres sur tout, mais leur interprétation et/ou leur fidélité sont souvent sujets à caution. Il faut être donc très prudent. En influence, je recommande la méthode du calcul de l’équivalent publicitaire, qui est un des moyens les plus efficaces à mon avis pour révéler le véritable apport du marketing du bouche à oreille. Nous avons décrit, avec Hervé Kabla, cette méthode dans notre ouvrage “la communication digitale expliquée à mon boss” (amonboss.com).

NC : le concept d’Earned Media Value (EMV), hérité de l’Advertising Value Equivalent (AVE), qui vise à donner une valeur monétaire à un like, revient à mesurer la performance en fonction du coût. Richard Bagnall, Président d’AMEC, définit d‘ailleurs l’EMV comme un « mutant de l’AVE : rapide, peu chère et simple, mais c’est une métrique qui n’a aucun sens. »

Pour répondre à la nécessité de plus en plus pressante des marketeurs de prouver leur succès, Traackr a adapté le modèle de suivi de la performance de l’AMEC au marketing d’influence. Notre matrice s’adapte à vos besoins : définissez les objectifs que vous souhaitez atteindre, puis déterminez les cibles d’outputs et d’inputs nécessaires pour atteindre vos objectifs.

Pour aller plus loin sur le sujet de la mesure de la performance, consultez Le guide pratique pour mesurer la performance du marketing d'influence et téléchargez nos tableurs interactifs pour élaborer vos propres modèles.

COMPLIANCE

Mythe #9 : Mieux vaut cacher la collaboration entre marque et influenceur

YG : La transparence est essentielle. L’ARPP a émis des recommandations, mais aussi le socialmedia.org à socialmedia.org/disclosure. C’est moi qui ai traduit le doc en français mais je pense que celui-ci a vieilli et mériterait une mise à jour. La situation en France est lamentable. J’ai récemment eu des réactions lors de mon cours en école qui m’ont choqué : “Monsieur, si on n’est pas pris, cela n’a donc aucune importance”. Je crois que nous avons un réel problème de référence à l’éthique et à la loi dans ce pays, et les agences de publicité font certainement partie des champions du monde de la morgue et du mépris en ce domaine. Tout cela donne une bien mauvaise image de notre profession et parfois cela me rappelle ce vieux livre de Jacques Séguéla : “ne dites pas à ma mère que je travaille dans la publicité …”

NC : la transparence est au contraire récompensée. En effet, nous avons constaté que l’utilisation des #AD et #SPONS a augmenté de 54% sur un an chez les influenceurs beauté, mais que l’engagement sur ces posts a dans le même temps quadruplé !

‍Source : Marketing d’influence : les enseignements de la beauté

Les régulateurs locaux ont par ailleurs tous établis des règles de disclosure (et commencent à réprimer les tricheurs !), voici quelques ressources officielles :

Mythe #10 : Le seul problème avec les tableurs EXCEL, c’est que ce n’est vraiment pas pratique

YG : En tant qu’informaticien je fais la guerre à Excel depuis toujours. La donnée doit être unique et protégée, et Excel fait exactement l’inverse : il la duplique et la fragilise. Cette culture de la donnée est ce qui fera les bons marketeurs de demain. Ceux qui ne comprennent pas cela perdent un temps infini à dupliquer et dédupliquer l’information. C’est une utilisation nocive de l’information. Dans le domaine de la gestion de l’influence, c’est encore pire : dupliquer les informations des influenceurs, c’est prêter le flanc à des invitations intempestives de la part de divers services — voire même la concurrence entre ces services. C’est à bannir à tout prix..

NC : si vous avez plusieurs tableurs disséminés à travers vos équipes contenant les données personnelles d’influenceurs, alors vous courrez des risques. Une technologie comme Traackr par exemple vous aide à gérer les données personnelles de façon réglementaire et sécurisée.

Vous pensez à d’autres mythes ? N’hésitez pas à les partager dans les commentaires de cet article !

Prêt(e) à développer un marketing d’influence plus performant ?