Randall Chinchilla, Global VP Influencer Marketing chez Coty Professional - un groupe qui accompagne les professionnels de la coiffure - nous explique comment ses marques déploient leur marketing d'influence en plaçant la communauté au cœur de leur stratégie.
Coty est la plus grande société de parfums au monde et l'une des plus grandes entreprises de beauté. Répartie en trois divisions : Consumer Beauty pour les soins de grande consommation ; Luxury, dédiée aux parfums et aux soins de la peau ; et Professional Beauty pour les professionnels, la société compte plus de 20 000 collaborateurs à temps plein, présents dans 46 pays. Son chiffre d'affaires annuel est de 9 milliards de dollars.
Randall Chinchilla est responsable du marketing d'influence pour la division Professional Beauty de Coty, au service des professionnels de la beauté et du soin des ongles. Il se charge de définir les stratégies de marketing d'influence de la division à l'échelle mondiale pour les marques professionnelles de la société, notamment Wella Professionals, System Professional, Sebastian, Nioxin, Sassoon Professional et O.P.I.
Randall supervise les partenariats avec les marchés locaux et veille à appliquer la vision globale du groupe en matière de marketing d’influence. Son rôle est d’établir des plans stratégiques qui permettent d'activer la bonne audience d'influenceurs au bon moment, avec les bonnes marques - afin de faire correspondre les bons produits aux bons profils.
[RC] Le professionnel de la coiffure est l'influenceur type de notre secteur. On dit toujours que les amis et la famille sont les personnes qui influencent le plus nos décisions, mais quand il s'agit de changer de couleur de cheveux ou de coiffure, on se tourne plutôt vers les conseils d'un professionnel et on s'en remet aux services et/ou produits qu'il propose ou recommande. Notre rôle à nous est d'influencer ces professionnels, notamment sur la manière dont ils sont formés et sur les produits et les techniques qu'ils utilisent, afin d’établir des relations significatives et durables avec eux. En fin de compte, ce sont eux les décideurs.
Deuxièmement, le réseau et les relations ont toujours été très importants dans ce secteur professionnel. Notre industrie se compose d'une petite communauté d'artistes passionnés, un groupe uni par l'amour du métier. Les réseaux sociaux ont accéléré l'ampleur et la vitesse du réseautage communautaire et l'ont porté à un tout autre niveau. Les coiffeurs suivent maintenant d'autres coiffeurs et artistes sur les réseaux sociaux pour s'en inspirer, apprendre et partager de nouvelles techniques, alimenter leur CV et développer leur carrière. Les contenus sont partagés dans tous les fuseaux horaires, toutes les langues, 24 h/24, 7 j/7 Il est essentiel que les marques trouvent leur place dans ces conversations, en adoptant le ton approprié et en apportant de la valeur, pas uniquement dans l’objectif de vendre des produits.
Sur le plan plus traditionnel du marketing d'influence, nous collaborons avec un mix stratégique de personnalités – célébrités, influenceurs lifestyle et beauté – ainsi qu'avec certains de ces réseaux de professionnels. À plus grande échelle, Wella Professionals a récemment établi un partenariat avec Sophie Turner de Game of Thrones, par exemple.
[RC] Nous avons toujours fait appel à différents types d'agences pour nous aider à trouver des influenceurs. Mais nous essayons de le faire davantage en interne grâce à des plateformes IRM (gestion des relations influenceurs) telles que Traackr, et à d’autres technologies, qui nous aident à identifier et à entretenir des relations dans tout le spectre de l’influence - du micro au macro. De plus en plus, nos formateurs, responsables de brand building, spécialistes du marketing numérique et du marketing d'influence sont tenus d'entretenir le contact avec les influenceurs.
Personnellement, je suis des centaines de coiffeurs et d'influenceurs liés à l'industrie sur les réseaux sociaux. Nous regardons ce qu'ils publient et évaluons si cela correspond à la vision de nos marques. Parfois, c’est très simple, nous les contactons directement en message privé, nous discutons avec eux et apprenons à nous connaître.
[RC] Nous travaillons avec tous les canaux de médias sociaux classiques. Toutefois, les coiffeurs étant des artistes visuels, Instagram est leur plate-forme de prédilection et donc un peu la nôtre aussi. Facebook est également beaucoup utilisé, notamment pour la création de communautés, de même que YouTube pour les tutoriels beauté, par exemple. Sur le plan stratégique, les différentes plateformes jouent chacune un rôle et notre travail consiste à trouver la bonne combinaison pour atteindre nos objectifs. En matière de médias sociaux, nous consacrons une grande partie de notre énergie à la fidélisation et à la construction de relations mutuellement bénéfiques à long terme.
[RC] Pour nous, la construction de communautés est au cœur de notre approche des influenceurs. Nous cultivons l'esprit de communauté. Pour exister, une relation doit être à double sens. L'idée n'est pas de se demander « qu'est ce que j'en tire », mais plutôt « qu'est ce que Nous en tirons ». L'idée est de partager. De collaborer. L'idée est d’avoir une voix authentique en tant qu’entreprise ; d'être présent et actif dans votre communauté. Cette présence peut être physique, notamment lors des événements spécialisés – comme les marques l’ont toujours fait - mais de nos jours, il y a plus de chance qu’elle soit principalement numérique. Rien qu'en suivant certains des artistes sur Instagram, vous signalez que vous appréciez leur travail. Cela peut être très important pour eux comme pour la plupart des artistes de toute discipline.
[RC] Nous formons environ deux millions de coiffeurs dans le monde chaque année et ces formations prennent différents formats. Parfois, elles se déroulent dans les salons de Wella, parfois dans des classes, et de plus en plus en ligne. Quel que soit le format, la formation est essentielle pour établir des relations solides avec les influenceurs beauté.
Nous souhaitons également garder une approche novatrice en offrant à nos partenaires l'occasion de vivre des expériences uniques et exclusives. Nous avons déjà offert à certains partenaires la chance de vivre les coulisses de la Fashion Week de Londres pour rencontrer Eugene Souleiman, directeur de la création de Wella Professionals et ambassadeur de ghd, en plein travail. Ce genre d'événement est impossible à organiser par soi-même. C'est pourquoi nous offrons la possibilité à nos partenaires de la vivre, notamment aux jeunes talents afin qu'ils passent du temps avec une légende de l’industrie telle qu'Eugene.
[RC] Pour nous, le nombre d'abonnés est très relatif et ce n’est qu’un aspect parmi tant d'autres à prendre en compte en développant un partenariat. Parfois, une plus petite audience vaut mieux qu'une grande, comme en témoigne l'intérêt récent porté aux micro-influenceurs. Avant tout, notre objectif est de créer des relations authentiques, dans lesquelles nos influenceurs se sentent appréciés et soutenus. Beaucoup sont des utilisateurs experts des médias sociaux, mais ne comptent pas beaucoup d'abonnés par rapport à un influenceur beauté moyen – et c’est pour cela que nous ne prenons pas en compte cet aspect. Si, par exemple, un artiste compte entre 2000 et 4000 abonnés mais que son audience est composée de personnes très engagées, un avis positif de cet influenceur peut facilement faire la différence pour une marque professionnelle.
Ces personnes sont très importantes dans notre industrie. D'ailleurs, dans l'univers de la coiffure et de la manucure, il existe très peu de méga-influenceurs avec plus d’un million d'abonnés. La majeure partie sont des micro-influenceurs. Ces personnes sont principalement des coiffeurs, dont c'est le métier et la principale passion. Ce sont des experts en la matière, au sommet de leur art, suivis sur les médias sociaux par des personnes qui respectent et admirent leur travail.
Nombre d'entre eux utilisent les médias sociaux comme un moyen de développer leur clientèle et/ou leur profil professionnel au sein de l'industrie. Dans la plupart des cas, ces personnes se considèrent comme coiffeurs avant d'être influenceurs professionnels.
[RC] Il n’y a pas une seule approche: nos marques se comportent différemment selon les marchés. Pour l’essentiel, nous établissons une stratégie de marketing d’influence globale centralisée pour nos marques phares - Wella Professional, OPI et ghd - et le reste du portfolio Coty Professional. Les marchés locaux veillent à soutenir ces stratégies grâce à leurs connaissances et à leur expertise locales.
Nous définissons les indicateurs de performance clés globalement. Chaque marché a un objectif spécifique et une méthodologie concernant la manière de calculer les indicateurs de performance clés et les outils à utiliser pour les mesurer. Mais nous permettons également aux experts des marché locaux de prendre part aux indicateurs établies globalement.
[RC] Les influenceurs et l'Earned Media sont intégrés à notre planification commerciale pour la mise sur le marché. L'Earned Media est un KPI essentiel pour l'entreprise. Nous suivons le nombre de comptes qui mentionnent nos marques sur les réseaux sociaux et le nombre moyen d'abonnés pour ces comptes. Nous analysons également la fréquence de publication de contenu et les taux d'engagement. Tous ces éléments nous donnent une indication assez fiable de la résonance de nos marques auprès de nos principales audiences. Mais, bien sûr, nous sommes également attentifs à d'autres éléments, comme les taux de conversion.
[RC] Cela dépend. Le rôle de l'Earned Media et des influenceurs est différent selon certains facteurs tels que la position d'une marque donnée dans son cycle de vie. Des marques établies telles que Wella Professionals, OPI et ghd sont respectivement leaders en matière de colorations, de vernis à ongles et de soins capillaires. Elles coexistent dans notre portefeuille de marques avec des « marques plus jeunes » telles que SebMan, une marque de soin pour hommes que nous venons de lancer en Europe l’année dernière.
C'est pourquoi nous travaillons en partenariat avec de nombreux influenceurs et cette collaboration peut prendre différentes formes, qui vont de la sensibilisation à une nouvelle marque ou à un nouveau produit, à la création de contenu pour une marque établie, en passant par la conceptualisation de nouveaux produits ou services.
Comme dans le passé avec les médias traditionnels, nous proposons également à certaines personnes de tester nos futurs produits et services. Nous prenons en compte leurs retours et commentaires pour affiner nos offres. Il ne s’agit pas d’une collaboration rémunérée, mais plutôt d’une excellente opportunité pour nous de bénéficier de leur regard d'experts et, idéalement, de gagner leur confiance et leur aval avant même le lancement du produit.
[RC] Le paysage change très rapidement et nous devons en permanence apprendre, nous adapter et évoluer. Dans ce contexte, nous recommandons la diversification.
Je fais partie de ceux qui croient que les entreprises ont tout à gagner à entretenir des relations très étroites avec leurs influenceurs, du moins les plus précieux. Cependant, la taille de l’audience est également importante et il n’est pas toujours possible de gérer des programmes d’influence en interne, en particulier si vous cherchez à vous développer.
Il faut trouver un compromis entre programme à grande échelle et programme intimiste. Plus vos objectifs de portée sont conséquents ; plus il est difficile d’établir des relations de proximité avec votre communauté. Ce sujet est particulièrement problématique pour les grandes marques.
La gestion des relations doit préférablement se gérer en interne, en particulier avec vos partenaires les plus importants. Aimeriez-vous confier la gestion de votre relation avec votre meilleur ami ou votre famille à qui que ce soit ? Difficile à imaginer ! De même, votre audience préfèrera probablement être contactée directement par vous et de façon personnalisée. C'est là qu'il est essentiel de trouver le bon équilibre entre gestion en interne et externalisation, ainsi que les technologies appropriées, pour rester accessible et garder une approche personnalisée, même avec une stratégie à plus grande échelle.
[RC] Est-ce que le marketing d'influence doit vraiment dépendre d’un seul département ? Je ne crois pas. Au sein d'une entreprise, tout le monde est concerné d'une manière ou d'une autre. Le brand building est l’affaire de tous. Aujourd'hui, on s'attend à ce qu’un responsable du brand building maîtrise le marketing, bien sûr, mais aussi l'aspect digital, l'earned média, l'owned media, la stratégie et la gestion du marketing d'influence, le e-commerce et les outils d'analyse de données, pour ne citer que cela.
Un jour, j’ai entendu ceci : « ce qui est important pour votre client, ce n’est pas votre méthode d’organisation, mais la relation qu’il entretient avec votre marque et votre entreprise ».
Comprendre les priorités et les besoins de votre audience et y répondre, voilà un excellent point de départ pour tout programme d’influence. Encourager la collaboration multifonctionnelle entre les équipes internes est particulièrement important pour les grandes organisations. Et définir des objectifs communs et des KPI peut aider à surmonter certains obstacles classiques, souvent hérités des anciennes méthodes marketing.
Scott est consultant indépendant en marketing d'influence. Auparavant, il a supervisé les relations influenceurs pour la célèbre agence Ketchum, et a occupé le poste de newswire product manager EMEA chez PR Newswire. Suivez-le sur Twitter. Vous pouvez également consulter son blog dédié au marketing d'influence.
Traackr s'est associé avec Scott Guthrie pour vous proposer cet entretien dans le cadre de notre nouvelle série « Marketing d’influence à grande échelle ». Voici les autres entreprises présentées dans cette série : Comment Meliá Hotels International déploie son marketing d'influence sur 7 marques et 4 continents, Sipsmith : diffuser une marque de gin artisanal à travers le monde grâce au marketing d'influence et The Body Shop : collaborer avec des influenceurs pour changer la société et augmenter ses ventes.